La mer et la terre
Eau salée et eau douce. Elles ne font pas bon ménage à Quiberville-sur-mer, la petite sation balnéaire bâtie entre les falaises de craie et l'estuaire de la Saâne.
Le maire de la commune, élu depuis 27 ans, se bat pour éviter les dégâts des eaux inévitables avec le réchauffement climatique , l'effritement de la falaise du à la montée de la mer. Déjà des villas ont été abandonnées et murées.
La route-digue a été édifiée dans les années 1920, le long de la côte mais elle a déjà subi des dégâts lors de la tempête de 1997. En 1999, c'est la Saâne qui déborde à cause de pluies torrentielles. Bloquée par la digue, l’eau envahit le bas de Quiberville dont le camping.
Depuis plus d’un siècle la Saâne est privée de son estuaire. En effet, une digue a séparé sur 2 km les prairies des vallées, la mer et le fleuve. A présent, c’est une buse qui sert à l’évacuation des eaux de la Saâne dans la Manche lors des marées descendantes. Afin d’éviter la remontée des eaux au-delà de la digue (lors des marées montantes), un clapet anti-retour a été installé.
Buse
Le fleuve canalisé , passe sous la route par un gros entonnoir, la buse, avant de se jeter dans la mer. Le pied des falaises, grignoté par les flots, a été bétonné mais elles s’écroulent par le haut à cause des infiltrations d’eau de pluie.
Des mesures sont prises par la municipalité. Une large bande côtière est devenue inconstructible.
"Et quand des acheteurs potentiels viennent demander conseil à propos d’une maison située sur la falaise, je ne leur raconte pas d’histoire", assure Jean-François Bloc. "Je leur dis qu’ils achètent un beau coucher de soleil mais pour vingt ou trente ans, pas plus .
Sur le front de mer, les fissures sur la route, les murs de la promenade commencent à vriller.
Les scientifiques prédisent une élévation du niveau de la mer qui renforcera l’érosion des côtes et le risque de raz de marée ainsi qu’une multiplication des tempêtes et des épisodes de fortes pluies qui devraient accentuer les inondations.
Trop proche des flots, la route est menacée. Même chose pour la buse, d’autant qu’elle contrevient à une directive européenne prônant de rendre aux fleuves côtiers leur libre accès à la mer.
À terme, la route-digue de Quiberville devra sans doute être déplacée vers l’intérieur des terres. Or, toute l’économie de cette charmante station balnéaire est organisée depuis un siècle autour de cette route littorale.
Le conservatoire du littoral propose d’aller plus loin. Déplacer la route du front de mer vers l’intérieur, mais aussi supprimer la buse pour recréer un petit estuaire.
La digue serait supprimée sur une trentaine de mètres et remplacée par un pont accueillant la route reliant Quiberville à Sainte-Marguerite et offrant en dessous un passage aux petites embarcations. Sur 1,5 km, la Saâne retrouverait son lit d’origine en fond de vallée. Le lit mineur du cours d’eau sera élargi jusqu’à 10 mètres de large. Afin de permettre l’intrusion sans entrave de la mer, les obstacles (digues latérales, gabions…) seront arasés.
La zone de l'estuaire présente déjà des prairies pâturées plus ou moins engorgées. Au milieu de la zone on trouve des roselières, mares et fossés, avec comme élément rassembleur, la Saâne qui coule en larges méandres vers la mer. Cette zone de basse vallée à proximité de la mer a conservé un intérêt écologique très fort tant par son patrimoine (oiseaux -bécasseaux ou hérons-, amphibiens) que floristique. En effet cette zone d’estuaire offre de nombreux habitats humides où l’on retrouve notamment bon nombre de renoncules aquatiques ou des batraciens dont certains très rares en Haute-Normandie
Avantages : rendre aux poissons migrateurs (soles, bars) venus de la mer, un accès au fleuve pour pondre dans les vasières et promouvoir une autre forme de tourisme, basé notamment sur l’observation des oiseaux, et surtout limiter le risque d’une inondation comme celle de 1999.
Inconvénients : cette réouverture à la mer se ferait à l’endroit actuel du camping municipal dont l’attractivité venait de sa proximité avec la plage. Ce serait une grande perte financière pour le budget, communal et pour les commerces.
L’ensemble des travaux, y compris les acquisitions foncières, représente un coût de près de 13 millions d’euros HT.
La basse vallée de la Saâne retrouverait sa physiologie du XVIe pour éviter les inondations. Le projet prévoit une ouverture du cordon de galet, le terrassement du lit mineur de la rivière et le creusement d’un lit majeur avec des fossés et des méandres tout en protégeant les habitations par des levées de terre.
Ainsi la zone la plus proche de la mer, soumise aux marées moyennes, évoluerait en vasière (ou slikke). Les marées de vives-eaux transformeront la vallée en schorre (roselière, pré salé).
On n'imagine pas toutes ces données en se promenant sous le soleil. Un panneau à l'entrée de la promenade m'a cependant intrigué .
Violette