Enluminures végétales
C'est la maurelle ou tournesol des tenturiers anciennement solsequium (qui suit le soleil) Chrozophora tinctoria (L.) une plante méditerranéenne répandue jusqu’en Afrique du Nord et en Asie (Centre et Sud-ouest).
*turnsole est également le nom donné à des pigments de lichens dont certains auteurs affirmaient que le bleu des enluminures pouvait avoir les mêmes composants chimiques. Eh non !
C'est une plante de 40 cm qui pousse dans les friches, les terres ingrates calcaires. Plume de mer va nous trouver ça dans ses randonnées ...
Selon les traitements, son pigment produit des teintes de bleu foncé à violet jusqu’au rouge. C’est le pigment à la base du "papier de tournesol " créé par Arnaud de Villeneuve vers 1300.
Le pigment a aussi été employé comme colorant alimentaire (croûtes de fromages de Hollande) et pour ses propriétés médicinales. Ses effets anti-inflammatoires viennent d'être réétudiés.
Pour la préparation du pigment, les chercheurs se sont basés sur des recettes tirées de trois livres médiévaux.
Les échantillons de plante ont été récoltés au sud du Portugal et les fruits -matures ou non- ont été prélevés. Les composés ont ensuite été extraits par macération dans une solution à base de méthanol. Les manuscrits précisaient que les graines ne devaient pas être broyées.
Les extraits étaient ensuite versés sur des fragments de tissus, puis mis à sécher.
Le traitement était différent selon la couleur recherchée. Par exemple pour la couleur bleue, on les confinait au-dessus de pots d’urine dont les vapeurs ammoniacales provoquaient une élévation du pH ... Bon, d'accord !
La molécule présente dans C. tinctoralis a été identifiée comme un composé hydrosoluble, stable, mais jusque-là inconnu et nommé par les auteurs chrozophoridine.
La chrozophoridine va pouvoir être clairement identifiée en tant que telle dans les différentes œuvres d’art.
Le succès de la recherche va à l'équipe pluridisciplinaire de chimistes spécialisés dans l’étude des pigments naturels, spécialistes de la préservation des manuscrits, engagés dans la reproduction des pigments médiévaux et d'un botaniste, spécialiste de la flore du Portugal. Les futurs travaux sur la nouvelle molécule pourront amener de précieux éléments, notamment pour une conservation optimale des manuscrits.
Source : A 1000-year-old mystery solved: Unlocking the molecular structure for the medieval blue from Chrozophora tinctoria, also known as folium. P. Nabais et al, Science Advances 17 Apr 2020: Vol. 6, no. 16, eaaz7772 DOI: 10.1126/sciadv.aaz7772
Traduction/adaptation par Ph. Chatelet
Résumé par Violette Corfdir-Belkassem
Voilà pour la molécule, le pigment, sa formule chimique et sa structure.
Etudes anciennes :
Dans l’encyclopédie de d’Alembert (publiée entre 1751 et 1772) au chapitre Tournesol, on trouve la technique employée par les habitants de Grand Gallargues (entre Montpellier et Nîmes) pour l’extraction du colorant qui était, jusqu’au milieu du XIX° siècle largement exporté.
Dans le Mesnagier de Paris (XIV°), il y a la recette de cuisine d’une gelée bleue.
La plante était broyée dans les moulins à huile puis on en imprégnait de vieux chiffons que l’on mettait a sécher sur du fumier en cours de décomposition. L’ammoniac dégagé révélait le colorant. Ragoûtant !!!
La plante s’appelle localement la maurelle et elle était connue sous le nom d'Héliotropium par Théophraste (300 avant JC), Helotropium tricocum par Pline l’ancien. Plus tard, le tournesol.
C'était la page technique remue-méninges.
Lien: Enluminures et teintures
Violette